Par une journée pluvieuse, une quarantaine de membres de l’A.P.R.A.F.S. se sont retrouvés dans la nef de la Collégiale Sainte-Gertrude pour la visite de ce monument emblématique de la cité des Aclots en lien avec le culte de Sainte-Gertrude. Vu le nombre de participants, le groupe fut scindé en deux : l’un visitant l’église, l’autre le musée archéologique et vice versa …

Pour débuter la visite, le guide traça les grandes lignes de l’histoire de cet édifice qui est l’une des plus anciennes, des plus grandes et des plus représentatives des églises romanes existantes.

 

Une abbaye prospère et puissante

Itte d’Aquitaine, femme de Pépin De Landen dit « Le Vieux », maire du palais des rois d’Austrasie et ancêtre de Charlemagne, fonda une abbaye vers 650 autour de laquelle Nivelles s’est développée au cours des siècles. Leur fille, Sainte-Gertrude (626-659), deviendra la première abbesse d’une communauté religieuse mixte et sera inhumée dans l’église Saint-Pierre qui prendra le nom de la Sainte au Xe siècle. L’abbaye se transformera en chapitre noble de chanoinesses et de chanoines dès le IXe siècle. Par la suite, les chanoinesses d’origine noble mèneront une vie mondaine et fastueuse à l’opposé d’autres moniales ayant fait vœu de pauvreté. Le chapitre noble de Nivelles fut très prospère jusqu’à sa suppression en 1798.

Par la même occasion, le guide nous confia quelques clés pour appréhender les arcanes architecturaux de ce monument.

Romane, impériale et romaine

De style roman ottonien, l’abbatiale fut consacrée en 1046 par Wazon, évêque de Liège en présence de l’empereur germanique Henri III. Son plan à double transept et double chœur symbolisait l’interdépendance entre l’empereur (chœur occidental) et le pape (chœur oriental). La nef centrale (102 m) frappe par sa grandeur mais aussi par sa simplicité. L’avant-corps ou Westbau se compose de cinq niveaux accessibles par deux tourelles d’escalier. Il comprend une abside, deux chapelles-tribunes, une vaste salle haute dite salle impériale (19 m) et est surmonté d’un clocher octogonal abritant un carillon. Les deux portes d’entrée de l’avant-corps sont ornées de sculptures romanes du XIIe siècle : Saint-Michel au portail de droite et l’histoire de Samson au portail de gauche. Au sud de l’église (transept), le pignon Saint-Pierre est décoré d’arcatures romanes.

 

Au cours de la visite, nous avons pu admirer notamment une peinture murale du XIVe siècle représentant le martyre de Saint-Laurent, de belles stalles renaissance, un retable du XVIe siècle dit de Thonon en marbre et en albâtre, un coffre-armoire en laiton du XVIe siècle surmontant le mausolée de Sainte-Gertrude et de nombreuses œuvres du sculpteur et statuaire Laurent Delvaux (Gand 1696 – Nivelles 1778).

Bon nombre d’entre nous furent intrigués par la châsse contemporaine de Sainte-Gertrude (1982), œuvre de Félix Roulin, qui a remplacé le reliquaire gothique du XIIIe siècle, en grande partie détruit par l’incendie dû aux bombardements de 1940 et dont la salle impériale renferme une copie ainsi que des fragments de celle-ci ayant échappé aux flammes dévastatrices.

La nouvelle châsse rompt avec la tradition en inscrivant le culte de la sainte dans la modernité !chasse 

Elle est composée de 36 panneaux qui passent progressivement d’une ornementation géométrique et abstraite à une ornementation comprenant des traces de la vie courante. Ces objets, généralement estampés sur des plaques d’argent, sont soit solides (décapsuleur, pièce de monnaie, cadenas, tournevis) soit souples (gants de travail, bottines). Il est à noter qu’ils ne sont pas porteurs d’une symbolique spécifique mais simplement d’une volonté de l’artiste de prouver « qu’aujourd’hui existe » dans l’œuvre.

Je m’en voudrais de ne pas évoquer le « Trou de Sainte-Gertrude » par lequel, selon la légende, ne peuvent passer que les personnes en état de grâce. Un état dont sont exclues les personnes corpulentes, étant donné l’étroitesse du passage.

Après notre visite de l’avant-corps, nous sommes descendus dans les entrailles de la collégiale pour déambuler dans la crypte et le sous-sol archéologique. Sise sous le chœur oriental, la crypte du XIe siècle constituait le point d’arrivée des pèlerins qui faisaient leurs dévotions sous la châsse de Sainte-Gertrude. Les 2 piliers carrés servaient à se repérer pour être sous les reliques de celle-ci situées dans le chœur. En se positionnant juste en dessous, les pèlerins venaient se sanctifier. Dans le sous-sol archéologique, nous avons pu découvrir les ruines des églises qui ont précédé l’église romane entre les VIIe et Xe siècles.

Notre visite du matin se termina par le cloître du XIIIe siècle qui reliait l’église aux bâtiments monastiques (dont il ne subsiste rien). Seule la partie nord a conservé toute son authenticité.

Vers 12h30, nous nous sommes retrouvés dans un restaurant syrien dénommé « Damasquino », qui nous a permis de déguster des mets raffinés aux senteurs et goûts orientaux, qui furent unanimement appréciés par tous les convives.

Au cours de l’après-midi, nous nous sommes rendus au musée archéologique qui complète parfaitement la visite de la collégiale. Installé dans l’ancien refuge de l’Ordre des Trinitaires d’Orival, le guide nous communiqua des informations complémentaires quant au culte de Sainte-Gertrude à travers les siècles.

Culte de Sainte-Gertrude

De Nivelles, il s’est répandu dans le Brabant puis dans les Pays-Bas et enfin, le long des vallées du Rhin, de la Moselle, de l’Oise et de l’Aisne. Ensuite, des pèlerins l’ont introduit plus loin en Europe, si bien que Sainte-Gertrude devint la sainte patronne des voyageurs. De la seconde moitié du Xe siècle jusqu'au XIVe siècle, un usage germanique, dénommé « Gertrudisminne », consistait à boire une coupe de vin à la santé de Sainte-Gertrude avant de débuter un voyage ou une expédition militaire. En outre, la sainte est censée protéger les récoltes de l’invasion de rongeurs. D’ailleurs ne voit-on pas sur toutes les représentations de la sainte des rats courir à ses pieds ou sur sa robe voire sa crosse ?

Le guide nous apporta également des explications sur une des traditions les plus anciennes de Nivelles en lien avec la sainte.

Le Tour Sainte-Gertrude

Au début de l’automne se déroule cette procession, instituée dès le XIIIe siècle, le dimanche suivant le jour de la Saint-Michel (ancien patron de la Ville). Le grand tour, long de 14 km, suit un trajet à travers les champs : le char du XVe siècle portant la châsse de la Sainte est tiré par 6 chevaux. Au retour, à 15h30, a lieu le départ de la rentrée historique ou solennelle en compagnie des géants nivellois et de leur ménagerie, des chanoinesses en costumes du XVIIe siècle, des mouvements de jeunesse de l'entité, du clergé, des autorités communales et de personnages déguisés en habits d'époque.

C’est ravis d’avoir pu allier les nourritures terrestres à celles de l’esprit que nos membres s’en sont retournés dans leurs chaumières !

                                                                               Pierre Ercolini – Président

Sources : C. Donnay-Rocmans, L. Genty, R. Horbach, J. Vandendries, « Nivelles aux cent visages », Perron, 1999

Illustrations : Françoise Bertin, Maurice Gaspar et Guy Severs